En 2013, le Président Xi Jinping fit part d’un projet ambitieux : la Belt and Road Initiative (BRI). Ces nouvelles routes de la soie, largement financées par le gouvernement chinois, doivent relier la Chine à l’Afrique et à l’Europe en construisant de nouvelles voies de communication et de transport à l’échelle transcontinentale.
Ce réseau mondial d’infrastructures inclut autoroutes, lignes ferroviaires, ports maritimes et même ports fluviaux, pour dynamiser notamment le couloir économique de la rivière Yangzi et accélérer les échanges sur le trade Asie-Afrique. Renommée Belt and Road Initiative (BRI), ce projet est si colossal qu’il a même été intégré, en 2017, à la Constitution du Parti Communiste Chinois. La route de la soie se conjugue donc au pluriel et redessine les contours du commerce, de la logistique et de la géopolitique mondiale.
À l’heure actuelle, 2 ans après le début de l’épidémie de Covid-19, où en est l’avancée des chantiers de ces nouvelles routes de la soie ? Certains projets de construction ont-ils été ralentis ou abandonnés ? Et surtout, quelles nouvelles opportunités s’ouvrent aux importateurs et aux exportateurs sur le trade Asie-Afrique ?
Les ambitions de la Chine envers le monde et l’Afrique grâce aux routes de la soie
L’acier, le ciment chinois et les milliards de dollars investis par Pékin visent différents objectifs :
- Accélérer les échanges avec le Kenya, en finançant la création d’infrastructures terrestres et de voies ferrées reliées au port de Mombasa
- Relier l’Eurasie de Shanghaï à Rotterdam par voie terrestre, de Ouanzhou à Venise par voie maritime
- Relier l’Éthiopie à Djibouti grâce à un nouveau maillage autoroutier
- Fluidifier le fret maritime dans l’Océan Indien
- Financer les infrastructures liées à l’énergie, au transport, à l’immobilier et aux métaux dans les pays de l’Afrique et de l’Est de l’Europe grâce au Silk Road Fund, un fond spécifiquement dédié à ce projet
- Sécuriser les routes par lesquelles transitent les marchandises dans le monde
- Ouvrir de nouveaux débouchés économiques, par exemple en créant des usines
- Accélérer l’approvisionnement en matières premières de la Chine
- Réduire le déséquilibre Est-Ouest en Chine
- Obtenir le contrôle d’infrastructures étrangères, comme le port de Hambantota, cédé par le Sri Lanka pour 99 ans en échange d’un effacement de sa dette
- Faire baisser le coût de transport des marchandises
- Désengorger les ports chinois
- Ouvrir une route polaire de la soie par l’Arctique
Chinafrique : un partenariat historique
Les pays d’Asie et d’Afrique ont longtemps été considérés en tant que berceaux du « tiers monde » et ont décidé de s’allier dès 1955, lors de la conférence de Bandung. Marquée par la guerre d’Indochine, la Chine décide d’aider les pays d’Afrique à gagner leur indépendance. Le Parti Communiste Chinois mené par Mao Zedong soutiendra ainsi le Ghana, l’Angola, la Guinée, le Cap Vert, le Mozambique, le Niger, la Tanzanie, le Zaïre, le Cameroun et le Congo Belge dans leur processus de décolonisation.
Plus de 60 ans après la conférence de Bandung, la coopération sino-africaine reste bien réelle.
Depuis 2009, la Chine est même le 1er partenaire commercial de l’Afrique, devant les États-Unis.
Entre 2005 et 2017, 137 milliards de dollars américains ont été prêtés par la Chine à des pays africains pour financer la construction de nouvelles infrastructures. Ces investissements portent deux noms : la Silk Road Economic Belt pour les infrastructures routières et ferroviaires, ainsi que la 21st-Century Maritime Silk Road pour les infrastructures destinées au fret maritime.
État des lieux de la Silk Road Economic Belt en janvier 2022
Le corridor économique sino-pakistanais est long de 2500 kilomètres. Cette route de la soie relie l’empire du Milieu au golfe d’Oman en traversant le Pakistan. Sur son parcours, la Chine fait construire des centrales à charbon, des pipelines et des chemins de fer reliés par des autoroutes à 6 voies, tout en raccordant les régions traversées à la fibre optique. Elle vise donc à faciliter l’acheminement des matières premières et des hydrocarbures vers la Chine et ses usines. À la suite d’attentats au Pakistan, le projet est ajourné. S’il aboutit, il devrait faciliter l’exportation de marchandises et d’or noir depuis le Moyen-Orient.
La route du sud, sensée parcourir le Xinjiang, le Kirghizistan, l’Afghanistan, la Turquie et l’Iran, est également reportée pour le moment en raison des tensions internationales autour de la mer Caspienne et des sanctions de l’ONU à l’encontre de l’Iran.
Bonne nouvelle cependant, depuis 2016, Wuhan et la France sont reliées par train grâce à des rails de plus de 11 000 km et deux opérations de transbordement. À horizon 2026, un réseau à grande vitesse ferroviaire devrait être déployé sur le trade Asie-Europe. Il sera relié à l’Afrique via Istamboul et Téhéran, bien que la majorité des marchandises soient logiquement amenées à transiter via les grands centres logistiques prévus en Chine et au Kazakhstan.
La Chine investit également sur la côte ouest de l’Afrique, garantissant ainsi un accès à l’océan Atlantique. Au Sénégal, la construction de l’autoroute de Thiès-Touba relie désormais Dakar, Thiès et Touba, ce qui facilite les exports depuis les terres du Sénégal et du Mali.
Hors investissements chinois, deux nouveaux chantiers maritimes arrivent à point nommé. À 35 km de Dakar, un nouveau port minéralier et vraquier financé par les émiratis voit le jour : le port de Bargny Sendou. Le chantier a pris du retard et devrait être livré en septembre 2022. En parallèle, l’exploitant dubaïote DP Word construit le premier port en eaux profondes du Sénégal : le port de Ndayane, prévu également pour 2022. En s’ouvrant à de multiples investisseurs étrangers, le Sénégal compte bien faire de ses côtes un hub maritime et logistique de classe mondiale.
État des lieux de la Silk Road Economic Belt en janvier 2022
La route de la soie maritime s’est donné une échéance. Ses ports doivent être achevés en 2049, l’année du centenaire du Parti Communiste Chinois.
Malgré la pandémie de Covid-19 (qui a mis en pause plusieurs centaines de chantiers chinois en Afrique), de nouvelles routes de la soie ont pu émerger avant et pendant l’année 2021.
Nouveau hub à Djibouti
Le port multipurpose de Dolareh, à 5km de Djibouti, a été inauguré en 2017. Ce port est désormais le plus grand port à conteneur d’Afrique et un terminal pétrolier d’envergure. Il est relié à l’Éthiopie grâce à la ligne ferroviaire entre Addis-Abeba et Djibouti, financée également par la BAII (la banque asiatique d’investissement pour les infrastructures). Au carrefour des routes maritimes d’Europe, d’Extrême-Orient, du Golfe Arabo-persique et de l’Afrique, ce port est en passe de devenir le hub de la Corne de l’Afrique et une desserte incontournable des navires intercontinentaux.
En termes de chiffres, 70% du PIB de l’Éthiopie transite d’ores et déjà par le port de Djibouti (soit 95% des importations et 80% des exportations éthiopiennes) selon un rapport de l’Agence France Trésor.
Nouvel terminal en chantier à Alat en Azerbaïdjan
Une nouvelle plateforme gigantesque pour ferries, tankers et cargos est en chantier à Alat. D’après le vice-ministre des Transports de l’Azerbaïdjan, Moussa Panahov, son objectif est de traiter « 25 millions de tonnes de fret par an », et pour ce faire, la plateforme mise sur le transport multimodal : tout est mis en œuvre pour assurer les transbordements entre bateaux et trains, wagon-citerne et pipelines, conteneurs et camions.
La riposte du Kenya face au projet portuaire (abandonné) de Bagamoyo
Le port de Mombasa au Kenya (ou KEMBA) reste le plus important port maritime de l’Afrique de l’Est. Il est relié par voies routières à la frontière tanzanienne, à l’Ouganda ainsi qu’au Nigeria. Les embranchements ferroviaires permettent également d’acheminer les marchandises depuis et vers Nairobi. Les autorités kenyanes investissent donc dans un chantier d’ampleur afin d’augmenter leurs capacités de stockage et d’accueil de porte-conteneurs.
Ce qui a motivé cet investissement est notamment l’initiative « One belt, one road » qui aurait pu concurrencer le port kenyan.
Le gouvernement chinois s’était en effet engagé à investir dans la construction d’un nouveau port maritime à Bagamoyo en échange d’une durée de concession de 33 ans et d’un prêt colossal de 10 milliards de dollars. Le gouvernement de Tanzanie ayant refusé cet accord, le projet est avorté, mais heureusement, les investissements suscités au Kenya devraient faciliter le transport maritime vers et depuis l’Afrique de l’Est.